Rareté et désir d’indépendance, de la pénurie de talents à une nouvelle organisation du travail

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Les exigences revues à la hausse, du côté des entreprises comme de celui des collaborateurs, entraînent une transition vers de nouvelles organisations. Si les profils sont rares et les demandes nombreuses, la solution se trouve sans doute dans le partage.

Des difficultés à recruter de plus en plus handicapantes

C’est l’un des (nombreux) paradoxes de l’ère post-covid.

Au plus fort de la pandémie, en 2020, les entreprises ont stoppé leurs processus de recrutement. Les salariés ont eux, choisi la sécurité en repoussant d’une année leurs désirs de mouvement. L’exercice 2021 devait donc être l’année des grandes manœuvres, et pourtant. D’après une étude menée par Rexona, 75% des entreprises éprouvent des difficultés à recruter. Au point que, malgré la reprise de l’activité, elles ne parviennent pas toujours à assurer leurs commandes et leurs besoins opérationnels.

Ces problèmes croissants traduisent en réalité un phénomène plus ancien et plus profond, la pénurie de talents, basée aussi bien sur le nombre de collaborateurs que sur les compétences disponibles.

Besoins communs et rareté des profils

La pénurie de talents touche tous les domaines, mais pas de la même façon. L’IT, et globalement le secteur du digital, sont ainsi particulièrement impactés. Et là aussi, la pandémie de Covid-19 a agi comme révélateur autant que comme accélérateur.

Face à la nécessité de mettre en place des moyens modernes pour s’adapter à la crise, des solutions permettant le télétravail par exemple, de très nombreuses entreprises se sont rendues compte que leur niveau de digitalisation n’était pas aussi avancé qu’elle le pensait. Elles ont ainsi rencontré des difficultés dans l’organisation de l’activité à distance, la gestion de la production ou de leurs salariés par exemple. 

D’où la nécessité d’engager des transformations majeures, comme la mise en place d’outils métiers sûrs, et de former leurs employés à s’en servir. Si les profils recherchés, dans ce secteur, étaient autrefois plutôt « techniques », les entreprises cherchent aujourd’hui des collaborateurs capables de prendre en charge des projets de transformation de grande envergure, du début à la fin : il s’agit moins de savoir comment fonctionne techniquement un outil que de savoir comment le déployer, dans les temps, en embarquant tous les salariés concernés. « Avec la sortie de crise et le redémarrage de certains secteurs, il y a une sorte de goulot d’étranglement qui se produit, car de nombreuses entreprises affichent des besoins de recrutements à un même moment donné. La concurrence est donc plus rude pour trouver les bons profils », a ainsi déclaré Bruno Ducoudré, économiste à l’observatoire Français des Conjonctures Economiques dans une interview donnée au Figaro en septembre 2021. Le problème, en résumé, est que les entreprises ont, au même moment, le même besoin.

Et la problématique est d’autant plus difficile à résoudre que le profil recherché n’existe pas en assez grand nombre. Une étude, réalisée par le cabinet Future of work montre ainsi qu’il manque de très nombreux collaborateurs disposant des compétences demandées par les entreprises. « En dix ans, les besoins se sont nettement amplifiés, mais le vivier de talents n’a lui pas augmenté dans les mêmes proportions, indique Neila Hamadache, déléguée à l’emploi et à la formation de l’organisation professionnelle des entreprises du numérique. On constate aujourd’hui une pénurie de développeurs, de data scientists, de data analysts, mais aussi de personnes travaillant dans le cloud ou la cybersécurité»

Une rareté qui complique, par essence, les processus de recrutement.

Des talents de plus en plus exigeants

Le rapport de force, inversée pour la première fois depuis des années, joue en faveur des salariés, qui se montrent de fait plus exigeants. Le salaire, s’il reste une préoccupation majeure, n’est pas la seule au moment de rejoindre une entreprise. Les demandes portent désormais également sur la qualité de vie au travail, la formation, un meilleur rapport entre vie privée et vie professionnelle, et un choix de mission plus intéressant. Le désir d’autonomie est également plus grand, et les cadres du salariat classique n’y répondent pas toujours.

L’enjeu, en particulier les départements RH, devient dès lors autant de recruter des talents que de savoir comment les garder au sein de l’entreprise. D’autant que le mouvement ne fait plus peur, au contraire : pour les millenials ayant déjà une solide expérience, changer d’entreprise régulièrement n’est pas un signe d’échec, mais permet au contraire de donner de l’élan à leur carrière. Le turnover, même chez les cadres, est par ailleurs de plus en plus fréquent.

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Le processus de recrutement : l’externalisation en guise de professionnalisation

Afin d’identifier, de capter, séduire et convaincre les talents de les rejoindre, les entreprises doivent se lancer dans de nouvelles démarches.

Le recrutement se veut plus professionnel. Pour y parvenir, de nombreuses structures décident d’externaliser la démarche. A la place des classiques chasseurs de tête, il est fait appel à des cabinets gérants l’intégralité du processus, ce qui présente de nombreux avantages. Le vivier notamment, face à la pénurie, peut s’accroitre, passant du local au national, voire à l’international.

Pour conserver les talents, les entreprises se montrent plus agiles et plus adaptables, afin de répondre aux besoins des salariés : ergologue pour améliorer la vie au travail, meilleure politique de formation, recours au télétravail…  Des solutions qui n’empêchent pas un mouvement de plus en plus important : le départ vers le statut d’indépendant.

Le statut indépendant, un choix plutôt qu’une contrainte

Une étude menée par l’IFOP en 2021 indique que 68% des cadres ont l’intention, dans les deux ans à venir, de changer de poste, de métier, d’entreprise, ou même de quitter le statut de salarié.

Car le statut Freelance n’effraie plus : 75% des cadres en ont une bonne image. Encore plus parlant, 84% des personnes l’ayant expérimenté s’en disent satisfaits. Autrefois vu comme une contrainte, le statut s’apparente de plus en plus à un choix, au point que 30% des cadres, toujours selon l’étude de l’IFOP, ont envisagé de démissionner pour se tourner vers cette solution.

Les avantages, pour le collaborateur, sont indéniables, au point de faire oublier les risques liés au statut d’indépendant. Il s’agit notamment de disposer d’une plus grande flexibilité, répondant ainsi à l’envie d’un meilleur rapport entre vie personnelle et vie professionnelle. Les revenus sont souvent plus conséquents, même s’ils sont moins « garantis » que dans un poste classique. La liberté de choix permet, enfin, de ne s’investir que dans des missions qui intéressent le  travailleur indépendant. En ce sens, la liberté, la mobilité, répond aussi à un besoin de sens de plus en plus prégnant.

Cette appétence de plus en plus grande pour le travail indépendant représente-t-il une difficulté supplémentaire pour les entreprises ? Pas forcément. Les nouveaux modes de travail, notamment le travail partagé, permet en quelques sorte de satisfaire tout le monde : les talents étant rares à attirer et à conserver, il permet, au moins pour le temps nécessaire, de bénéficier de leurs compétences.

Une vision du travail qui fait du Freelance, plus qu’un électron libre, un facilitateur aidant, dans le même temps, plusieurs entreprises. Comme si le travail indépendant, plutôt que de répondre à une logique de « chacun pour soi », était en réalité la meilleure façon d’avancer « tous ensemble ».

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