Cette question se pose, et plus exactement s’impose, à tous les managers et dirigeants. Cette thématique fut le fil rouge du colloque annuel du réseau Parteam. Face aux défis imprévus, deux choix s’offrent à vous : subir ou rebondir. Stéphane Schultz, expert en innovation, lors de sa conférence a proposé une troisième voie : transformer l’incertitude en moteur de croissance.
Découvrez dans cet article des stratégies concrètes pour renforcer votre résilience et oser prendre des risques, à l’image des entreprises les plus antifragiles de la Silicon Valley.
L’imprévu comme moteur de création et de dépassement
L’exemple emblématique de Keith Jarrett illustre parfaitement cette idée. Lors d’un concert à Cologne en 1975, le pianiste, confronté à la fatigue et à un piano inadéquat, improvise une performance unique en utilisant cinq notes de musique inattendues comme point de départ. Ce concert improvisé du début à la fin a donné naissance à un album qui deviendra l’un des plus grands succès de l’histoire du jazz, vendu à 4 millions d’exemplaires.
« Voilà un bel exemple de résilience presque instantanée. Il nous montre que, face à la contrainte et à l’imprévu, il est possible de créer des choses exceptionnelles » observe Stéphane Schultz.
La puissance de l’imprévisible
Nassim Nicholas Taleb, dans son ouvrage Le Cygne Noir, explore l’impact des événements imprévisibles sur nos vies et nos systèmes. Il distingue deux types de « pays » :
- le Médiocristan, régi par des écarts prévisibles autour d’une moyenne
- l’Extrêmistan, caractérisé par des événements extrêmes défiant toute prévision.
L’auteur appelle cygnes noirs ces événements extraordinaires, dont l’impact est considérable et dont la prévisibilité n’est que rétrospective à nos yeux.
L’exemple du changement climatique illustre cette notion. Bien que sa réalité soit prévue depuis longtemps, l’intensité des événements extrêmes liés au climat surprend toujours. Il est devenu nécessaire de considérer l’imprévu non pas comme une anomalie mais comme une composante normale de nos existences, indispensable à intégrer.
« Dans le domaine climatique comme dans d’autres domaines, nous vivons en territoire inconnu. Nous pensons vivre au Médiocristan alors que le monde est dominé par l’Extrêmistan. Il va falloir s’y faire. D’où la nécessité d’apprendre à être résilient ! » prévient Stéphane Schultz.
Antifragilité, robustesse et résilience
Nassim Nicholas Taleb pousse plus loin la réflexion en abordant la notion d’antifragilité dans un second livre, Antifragile : cette propriété: ces propriétés des organisations ou des individus qui se renforcent et s’améliorent lorsqu’ils sont exposés à des facteurs de stress, des chocs, de la volatilité, des erreurs, etc. Plutôt que de consacrer de l’énergie à essayer de se prémunir des risques, Nassim Nicholas Taleb considère qu’il est beaucoup plus judicieux de réfléchir à ce qui va se passer après tel ou tel événement imprévu. Comment limiter les impacts négatifs et les dégâts provoqués par de tels événements ? Cette réflexion anticipée permet une plus grande réactivité.
Le chercheur Olivier Hamant oppose aussi monde de la performance et monde de la robustesse en soulignant que le premier se focalise sur les réponses, tandis que le second questionne les questions. La robustesse a besoin de généralistes, de polyvalence, de diversification et d’optionnalité.
Selon Stéphane Schultz, « l’antifragilité et la robustesse sont des manifestations de l’innovation. Cela revient à conserver un esprit innovateur pour ne surtout pas reproduire ce qu’on faisait auparavant. C’est une manière de se distinguer. »
Les entreprises de la Silicon Valley illustrent bien cette antifragilité, adossée à la culture du risque. Netflix, par exemple, a créé l’outil Chaos Monkey pour tester la résilience de ses systèmes informatiques en simulant les pannes les plus graves et les pires attaques. Cette approche leur permet non seulement de résister aux crises, mais aussi de renforcer continuellement leurs infrastructures. De même, grâce à la diversification et à la polyvalence, Amazon ou Meta réussissent à transformer leurs échecs coûteux (par exemple, le métavers) en opportunités, comme le redéploiement des ressources de Meta vers l’intelligence artificielle.
Elaborer un plan Z pour oser prendre des risques
Reid Hoffmann, cofondateur de LinkedIn, propose une stratégie pour faire face aux cygnes noirs et autres imprévus rencontrés dans la vie personnelle et professionnelle. En plus d’un objectif principal (plan A) et des étapes intermédiaires pour l’atteindre (plan B), il recommande de développer un plan Z. Il définit ce dernier comme une solution de repli non négociable et auto-dépendante, qui constituera une base solide pour rebondir en cas de difficulté. Ce plan Z, qui peut inclure des compétences personnelles non directement liées à son activité principale, réduit la peur de l’échec et encourage en conséquence la prise de risques.
« Plus vous améliorerez votre plan Z, plus vous serez résilient. La résilience se travaille tout au long de la vie, elle se construit comme une maison, elle s’aménage comme un intérieur ou un jardin. Je vous invite donc à cultiver votre résilience. Dans une logique de succès, il faut savoir imaginer les étapes, mais aussi le plan Z de façon à augmenter votre capacité à vous développer. » conclut Stéphane Schultz.
Pour aller plus loin...
- Köln, January 24, 1975, Pt. I (Live) – Keith Jarrett Youtube
- Le Cygne Noir de Nassim Nicholas Taleb
- Après la Tech de Stéphane Schultz
Tracts (N°50) – Antidote au culte de la performance. La robustesse du vivant de Olivier Hamant
- Manager votre carrière comme une start up de Reid Hoffman
- Episode 3 du Talk-show du Codir : Se développer en période d’incertitudes